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D'une montagne à l'autre

(réalisé)
Route de la soie, entre Géorgie et Kirghizistan stoppée net en Géorgie après 17 jours de vélo...   Les frontières fermant les unes après les autres... résumé de 17 jours en Géorgie... à défaut de pouvoir aller plus loin ! 
vélo de randonnée / randonnée/trek
Quand : 06/03/20
Durée : 17 jours
Distance globale : 371km
Dénivelées : +2131m / -2064m
Alti min/max : 253m/1226m
Carnet publié par Dune_montagne_à_lautre le 01 avr. 2020
modifié le 29 avr. 2020
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Le topo (mise à jour : 08 mai 2020)


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Le compte-rendu (mise à jour : 08 mai 2020)

D’une montagne à l’autre – Route de la Soie, stoppée net par un micro-virus aux maxi-conséquences…
 
Vélos récupérés sans souci, le temps de les remonter dans l'aéroport de Tbilissi surchauffé et sous surveillance médicale intense... On aurait dit un hôpital ! Petite bouteille de vin Géorgien offerte par la police des frontières. Ça c'est de l’accueil ! Et nous voilà partis, de nuit, direction l'auberge de jeunesse dénommée "Why me ?". Ben, parce que j'ai envie ! 
http://whymetbilisi.com.ge/
Le lendemain, petite immersion urbaine intense... sans vélo ! Métro, taxi, téléphérique et 10 kms à pied à travers les avenues, ruelles et petites venelles du vieux Tbilissi... Demain, on enfourche les vélos, cap à l'est !

Arrivés à Lagodekhi, aux portes de l'Azerbaïdjan via Telavi, Kvareli. Diversité et contrastes au menu : des pistes en forêt, option VTT du voyage à vélo, récompensés par la quiétude d'un monastère de nonnes en pleine nature ; un col nommé Gombori à 1620m avec une descente dans une belle forêt de hêtres et de très longues et mornes lignes droites à travers des hectares de vignes au pied du Caucase. Le tourisme œnologique est un tourisme de luxe qui se traduit par des complexes gardés au milieu d'une nature privatisée. Il côtoie la pauvreté des villages où l'eau potable est rare et les déchets permanents. On pourrait dire que tout ça n'est ni fait ni à faire, c'est comme ça peut, comme ça vient. Les vaches broutent dans les stations essence, la 4G est accessible partout mais aucun système d'évacuation des eaux usées n’est mis en place, peu de jardins mais des grandes surfaces aux produits alimentaires made in... Les habitants sont réservés et inquiets de voir des étrangers susceptibles de leur amener la maladie.

Cinq jours après le début de notre voyage, nous apprenons la fermeture de la frontière du Kazakhstan... Questionnement sur la possibilité de poursuivre le voyage... Nous rencontrons deux voyageurs à vélo tchèques en mode BUL qui souhaitent aller jusqu’au Japon mais qui, comme nous, sont inquiets de la tournure rapide des évènements. On va tempérer et se changer les idées demain dans le Parc national de Lagodekhi avec une petite randonnée... Peut-être verra-t-on le Gypaète barbu ?

Le couperet est tombé six jours après le début de l’aventure : l’Azerbaïdjan, l’Ouzbékistan, et les autres -stan ont suivi, frontières fermées. 
On revoit nos plans, la Géorgie, épargnée jusqu’alors, regorge de réserves naturelles et de parcs nationaux. Après Logodekhi, on met cap au sud puis à l’ouest. Prévision de trois semaines de vélo et rando. Ce sera Vashlovani, le monastère de David Garedji, à la frontière de l'Azerbaïdjan, et après on verra… Des ours, des loups, des hyènes, des lynx et même le léopard du Caucase ! Si on survit à cette nature "sauvage", on survivra au Coronavirus et aux regards noirs des Géorgiens parfois inquiets vis-à-vis de ces deux français à roulettes potentiellement porteurs de la maladie... Cette nuit, nous sommes sous la protection des icônes orthodoxes d'une petite chapelle ouverte et à l'intérieur de laquelle nous bivouaquons au sec alors que la météo se déchaîne dehors... Un moment de paix fort apprécié. Nous prions pour que les frontières restent ouvertes à l’ouest (Turquie par la route ou Bulgarie via le ferry ?).

Le contexte de repli sur soi aux antipodes de la liberté du voyage à vélo m’amène à une écriture plus sensible : 

Il était une fois deux voyageurs à vélo épris de liberté et d'un goût prononcé pour la rencontre humaine et la nature. Les chemins de Liberté sont multiples, le leur s'appelle Route de la soie avec pour horizon les plus hautes montagnes du monde. Mais les portes de Liberté se sont refermées, les frontières se sont administrées et les yeux détournés.
Dehors, il neige de gros flocons de déception recouvrant la Terre d'une couche trop uniformément uniforme. Mais la douceur de la soie n'est pas encore douleur de soi car la route de soi est partout et la nature à portée de main. Le printemps a l'avantage du calendrier, il l'emportera sur la neige. Bientôt des fleurs de liberté et d'insouciance pousseront à la place de la peur et du repli sur soi. Il est encore deux voyageurs à vélo épris de liberté...


Bivouac au dessus de Sartichala avec au loin les lumières de Tbilissi
Bivouac au dessus de Sartichala avec au loin les lumières de Tbilissi
Au fond de Eagle Gorge près de Dedoplistskaro
Au fond de Eagle Gorge près de Dedoplistskaro
Lors de cette traversée Est-Ouest de la Géorgie, je suis surprise par le peu de soin accordé à la Terre, par ces hectares et ces hectares de bouts de planète occupés par des bâtiments inutilisés, qu’on laisse se dégrader. On reconstruit à côté sans plus de soin ni d’égard pour Celle qui nous nourrit !

Il y a la Terre qu'on souille et qu'on lacère
de porcheries industrielles et de carrières à ciel ouvert.
Il y a la misère grise et la grisaille de l'air,
ponctuées seulement de plastiques vagabonds.
Il y a la peur qui pousse l'inconnu à nous dire non...
MAIS
Il y a le pépiement du Chardonneret élégant
et le Pivert et son vol ondulant.
Il y a cette pluie de pétales de cerisiers qui dansent au souffle du vent,
Et toi le berger de bord de route et nos sourires échangés.
Il y a la chaleur du poêle chez toi, l'habitant accueillant.
Et il y a surtout cette liberté de mouvement et notre quête éperdue du présent vivant.


Au quinzième jour de notre périple, l’état d'urgence est imposé sur toute la Géorgie au moins pendant un mois, le confinement n’est pas loin... Toutes les frontières autour sont désormais fermées aux touristes. Plus d’échappatoire possible sauf par la voie des airs. Nos déplacements peuvent mettre en danger les personnes qui nous accueillent et nos contacts peuvent aussi nous exposer. Deux scénarios sont étudiés : celui d'un voyage intérieur en bivouac sauvage près d'un monastère inhabité, patrimoine mondial de l'Humanité, en pleine nature, basé sur la pratique du yoga, la méditation, l'écriture et des petites balades, le temps nécessaire ; l'autre option étant le retour à la maison...
Nous prenons finalement la décision de rentrer : trop d'incertitudes sur l'avenir, trop d'aléas sur le ravitaillement et la suite des événements planétaires. Depuis le début de notre périple, la route se referme au fur et à mesure que l'on avance... Reste à rentrer à Tbilissi, obtenir un vol parmi un panel qui se raréfie, trouver des cartons pour nos vélos et on retrouvera les Pyrénées... 

La fête de départ était belle et l'horizon était large, aussi large que ma déception est profonde... 
Le dernier jour en Géorgie aura été comme une ode au voyage à vélo. Trente kilomètres de pistes entre des collines qui ondulent, rencontres de bergers hors du temps, lumière des grands espaces qui contrastent avec, au loin, très loin, l'agitation urbaine et cette folie industrieuse que nous allons traverser sans répit pendant les 40 derniers kilomètres jusqu’à Tbilissi. Un rêve éveillé, écourté, mais suffisamment puissant pour donner la force d'en imaginer d'autres...

G-Goût de l'évasion vers l'ailleurs
E-Espace à l'infini du regard
O-Ondulation des courbes terrestres
R-Route déserte qui se fait chemin de rencontres
G-Glissement lent du temps vers le plein présent
I-Incertitude de l'itinéraire
E-Effort du corps porté par le dehors...


Nous avons pris le dernier vol (avec nos vélos !) pour l’Europe, direction Berlin ; puis, seule correspondance aérienne possible par Porto et Toulouse. Moi qui rêvais de mobilité douce, mon empreinte carbone me fait mal au ventre…

Je dédie ce voyage en Géorgie, ces lignes et ces photos à Rosindo et sa famille de l'Auberge de jeunesse Why Me à Tbilissi. 
http://whymetbilisi.com.ge/

Sa générosité et son humanité nous ont permis de quitter le pays à temps en ces heures troublées. Si tous les êtres humains de cette Terre s'appelaient Rosindo, alors la solidarité soignerait tous les maux... 


Prenez soin de vous et de la Vie...



Entrée de Eagle Gorge
Entrée de Eagle Gorge
Eagle gorge Dedoplistskaro
Eagle gorge Dedoplistskaro
Vue sur le Caucase depuis les hauteurs de Eagle Gorges
Vue sur le Caucase depuis les hauteurs de Eagle Gorges
Sur la route d'Udabno
Sur la route d'Udabno
Sur la route d'Udabno
Sur la route d'Udabno
Sur la route d'Udabno
Sur la route d'Udabno
Sur la route d'Udabno
Sur la route d'Udabno
Pas vraiment une autoroute...
Pas vraiment une autoroute...
Comment tu fais pour pousser toi, tout seul ici ?
Comment tu fais pour pousser toi, tout seul ici ?
On change de monture ?
On change de monture ?
A manger oui, mais l'eau, vous faites comment ?
A manger oui, mais l'eau, vous faites comment ?
Quelle planète on veut ? Garder une activité millénaire qui a besoin d'espace ou grignoter la Terre avec nos cheminées de béton ?
Quelle planète on veut ? Garder une activité millénaire qui a besoin d'espace ou grignoter la Terre avec nos cheminées de béton ?
Commentaires
PatG - 30 avr. 2020
65 messages
" Profonde déception " c’est sûr et on peut l’être à moins.
Vos commentaires sont justes et touchants.
Pas facile ce repli forcé mais l’envie d’y retourné reste intact.
Les belles photos présagaient un beau périple.
Voyager de nouveau après cette période de confinement aura une saveur plus intense…
Bien à vous

Olivier - 08 mai 2020
2251 messages
Merci pour ce partage d'expérience. Touchant et sensible en effet...