4 invités en ligne

Une marche à travers l'Europe

(en cours)
Récit d'une traversée d'Europe à pieds en solitaire et par les montagnes, du détroit de Gibraltar à Istanbul.
randonnée/trek
Quand : 19/02/23
Durée : 500 jours
Distance globale : 6642km
Dénivelées : +184825m / -182636m
Alti min/max : -1m/3013m
Carnet publié par SamuelK le 08 oct. 2023
modifié le 20 mai
Mobilité douce
Réalisé en utilisant transports en commun (train, bus, bateau...)
Précisions : Pour me rendre au départ : bus de Bordeaux à Tarifa. Pour le retour : en voilier par la méditerranée ?
Coup de coeur ! 1713 lecteur(s) -
Vue d'ensemble

Le topo : Bosnie-Herzégovine : Risovac > Sarajevo (monts Blidinje et Prenj) (mise à jour : 09 janv.)

Distance section : 142km
Dénivelées section : +5507m / -5124m
Section Alti min/max : 191m/2094m

Description :

19/11/2023 > 01/12/2023
124 km ; D+ 5,6 km ; D- 5,3 km

Télécharger traces et points de cette section au format GPX , KML
Télécharger traces et points pour l'ensemble du carnet (toutes les sections) GPX , KML

Le compte-rendu : Bosnie-Herzégovine : Risovac > Sarajevo (monts Blidinje et Prenj) (mise à jour : 09 janv.)


Bosnie-Herzégovine : Risovac > Sarajevo (monts Blidinje et Prenj)

19/11/2023 > 01/12/2023
124 km ; D+ 5,6 km ; D- 5,3 km

De Risovac où j'ai passé par surprise une journée off non nécessaire pour le corps mais imposée par la météo, je monte enfin dans les hauteurs du Blidinje par une météo idéale : ensoleillée et sans vent fort. C'est une journée idéale de marche en montagne, je marche sur la neige rarement épaisse, j'enchaîne les crêtes et les sommets, je bénéficie de vues dégagées sur les montagnes aux alentours, et je n'ai pas froid en marchant. Je traverse le coeur du massif dans la journée. Je commence à redescendre et m'arrête la nuit tombée, à l'altitude qui délimite la forêt sous-jacente. Je garde la longue descente en forêt jusqu'à la prochaine ville pour le lendemain matin.

J'arrive enfin à partir avant le lever du soleil. Puisque la température est encore légèrement négative, je plis rapidement mon bivouac sans manger et entame la marche pour me réchauffer. Je marche une petite heure de nuit et bénéficie du lever de soleil tout en marchant en forêt. En plus d'être agréable, c'est d'autant plus pertinent de partir tôt en hiver lorsque les jours sont courts, ce qui évite de m'arrêter alors que mes jambes voudraient continuer, ou de marcher plusieurs heures de nuit le soir (ce que je ferai tout de même aujourd'hui). Montagne enneigée, forêt d'altitude, pistes forestières, routes et hammeaux de campagne, ville. J'ai traversé ces environnements ce matin jusqu'à Jablanica, et la journée est loin d'être finie. Après un ravitaillement au supermarché, je marche 8km en forêt qui me font prendre beaucoup de "retard" par rapport à mes estimations, car je perds sans cesse le ou les pseudo-chemins et avance au GPS entre des arbres fins et rapprochés, qui brandissent leurs rameaux de toutes parts de façon à ce que marcher ici soit particulièrement difficile et agaçant. J'arrive enfin au petit hameau de Ravna, au pieds des monts Prenj, le prochain massif que je souhaite arpenter. La nuit va bientôt tomber, et il me reste 1400m de montée raide en forêt jusqu'à une cabane visée. Je prends quand même le temps de discuter avec quelqu'un - lorsque cela s'offre à moi, je le reçois peu importe mes plans - et m'élance dans cette ascension sportive. J'allume rapidement ma lampe frontale pour trois heures intensives et hypnotisantes par la nuit, la forêt, et l'effort. Certaines portions sont envahies par la végétation, d'autres sont trop raides pour que mon cœur et mes jambes puissent me faire grimper d'un rythme continu. D'autres enfin sont idéales : de petits sentiers moelleux qui slaloment entre les arbres. Peu importe l'heure à laquelle j'arrive, je compte atteindre cette cabane pour y rester le lendemain, car les prévisions annoncent entre 5 et 10 millimètres de précipitations par heure toute la journée ! Sur la fin de l'ascension, mes muscles sont fatigués et peinent à me faire monter. Quand c'est le cas, cela signifie que je ne pourrai pas marcher une étape équivalente le lendemain, mais là c'est le but. J'arrive enfin et comme la veille, la cabane visée, rénovée et fonctionnelle, est fermée à clé. Pour l'utiliser il faut au préalable demander à une association, aller chercher et ramener les clés, impossible pour moi... Cela m'est toujours frustrant de voir des endroits fonctionnels presque inutilisés et inutilisables, fermés alors qu'ils me rendraient service et qu'on ne verrait aucune trace de mon passage. Dormir dehors, c'est ce que je fais habituellement, mais dormir dehors à côté d'un bâtiment vide et fermé, c'est absurde. Toutefois ce soir je surmonte vite la frustration, sans insister à chercher un moyen de tout de même rentrer, notamment car il y a une très vieille cabane en bois à côté. Si je ne compare pas, j'y suis très bien. Pas de poêle et plein de déchets, mais une table et même un vieux lit. Au moins je n'ai pas à couper du bois et m'occuper du feu. J'y passe une très bonne soirée et une journée off, me levant tard et me couchant tôt pour récupérer. La température est stable à 0°C, mais continuellement assis ou couché dans mon sac de couchage, je suis bien, d'autant plus avec la pluie constante dont je suis protégé et qui me fait le plein d'eau.

Après deux grosses nuits, c'est parti pour découvrir le cœur des monts Prenj. J'imagine marcher à nouveau sur une neige qui transforme et sublime l'endroit, sans être très contraignante pour la marche. Mais à ma grande surprise, trente centimètres de neige sont tombés pendant la nuit, et continuent de tomber. Les prédictions météo annonçaient simplement quelques averses minimes de pluie et neige. Cela me questionne, 30cm à 1500m, je monte sur une crête à 1800m, quid de l'épaisseur de neige ? De plus il y a un vent fort et froid accompagné de quelques flocons. Je considère les dangers et les options. Si je ne peux atteindre la cabane visée pour aujourd'hui, il y en a une avant sur mon chemin. Puisque je n'ai toujours pas d'alcool à brûler et que je comptais cuisiner grâce au poêle de la cabane fermée, il me faut être en cabane le jour ou les deux jours qui suivent pour pouvoir manger, car j'arrive au bout de mes vivres froides. Redescendre vers Jablanica n'est par ailleurs pas très rassurant : je m'étais fait la réflexion la veille que je n'aimerais pas faire les portions de montées raides et glissantes en descente, alors encore moins avec de la neige. Je décide d'y aller, et je refais le point régulièrement, voir si je continue ou si je retourne passer une troisième nuit à cette cabane, pour ensuite redescendre à Jablanica et contourner le massif par la route, même si cela ne ferait pas plaisir. Au début en forêt ça va, le sentier est visible et pratiquable malgré la neige. Plus en altitude ça dévient plus compliqué car la neige est plus épaisse et le sentier ne se démarque plus du paysage blanc. Le froid, le vent et la neige qui tombent rendent par ailleurs délicat le fait de consulter régulièrement mon GPS sous mon poncho. Néanmoins rien de dangereux, je pèse toujours le pour et le contre de continuer ou de faire marche arrière si nécessaire. La montée sur la crête est très difficile avec la neige qui m'arrive là parfois jusqu'aux cuisses, puis c'est mieux une fois sur la crête bien que le vent soit glacial et que je cherche continuellement mon chemin. Le sentier passe normalement entre des petits sapins en forme d'arbustes, mais leurs branches sont couchées par le poids de la neige et je dois marcher sur tout ça en faisant de grandes enjambées. Après la crête j'avance plus vite en descente, visant les endroits où la neige me semble la moins épaisse. Toute la journée ainsi que le lendemain, j'aurai de la neige entre les mollets et les cuisses. À ce rythme lent et éreintant, même la cabane proche visée est trop loin pour l'atteindre de jour. Il y a un autre abri encore plus près sur ma carte, je décide d'y aller pour la nuit sans savoir de quoi il s'agit. J'alterne entre des états d'inquiétude, de lutte contre la difficulté technique et physique du moment, et de confiance et de joie d'être là, car ça reste magnifique. J'arrive ainsi plutôt heureux à l'abri répéreré, avec le suspens de découvrir s'il y a un poêle... et je découvre un viel abri en bois abandonné, dont les trois murs sur quatre sont faits de lattes de bois espacées qui laissent allègrement passer le vent la neige. Il y a un dôme d'un mètre de neige à l'intérieur. Bon, soit je continue et m'efforce d'atteindre de nuit la cabane suivante, soit je reste là malgré l'état de l'abri. Il est suffisamment tôt pour aménager l'endroit de façon convenable pour y dormir dans ces conditions. Je pense que c'est préférable, je reste. Grâce à un bac-flanc en bois qui me servira de plafond, j'utilise le footprint de mon tarp pour faire un quatrième mur et entreprends de colmater les interstices entres les lattes de bois avec de la neige. Une fois cela réalisé, je me rends compte que le vent arrive toujours à se frayer un chemin et à recouvrir d'une pellicule de neige mon couchage en deux minutes. Ok, je dois faire un truc béton. Je construit un vrai mur en neige complété par mon footprint, ne laissant qu'une petite ouverture pour rentrer et sortir à quatre pâtes de ce mini-igloo. Je colmate ensuite chaque petit interstice avec de la neige bien tassée. Après une heure ou deux de travail, c'est réussi : ma couchette est suffisamment imperméable au vent pour pouvoir m'y abriter et y dormir. Je suis assez fier de moi. Alors à 17h, me voilà avec tous mes habits dans mon sac de couchage, dans mon petit igloo sous la nuit, avec le vent violent qui frappe à ma porte. Tout va bien jusqu'à demain matin donc. Je mange un peu, pense à la journée de demain, oscille entre inquiétude et satisfaction d'être là, ne sachant pas bien quel regard adopter. Décidément, il n'était vraiment pas prévu autant de neige. La météo de demain sera sans équivoque claire et ensoleillée, sans vent ni précipitations. La neige sera toujours là, mais je pourrai marcher cette fois jusqu'à la prochaine cabane que je sais ouverte, où il y a certainement un poêle. Avec des raquettes et un réchaud à gaz (ou de l'alcool à brûler), ou même juste l'un des deux, toute cette affaire serait bien différente. Il y aurait toujours de la difficulté, mais pas d'inquiétude. Ce soir je me dis une chose : la difficulté est acceptable, mais l'inquiétude n'est pas souhaitable. La difficulté fait partie intégrante de l'aventure. Que ce soit pour se dépasser ou pas, elle est inhérente à la vie et l'affronter peut être récompensé et faire grandir. Mais l'inquiétude pour ma sécurité, ce n'est ni agréable ni utile, sauf comme signal d'alerte face à un danger rationnel. L'inquiétude, la peur de façon plus générale, affecte voire empêche le reste, les autres émotions. La peur est rarement rationnelle, je vois alors deux options pour s'adapter et peut-être changer : l'affronter, ou l'éviter. Ce soir, je me dis que je préfère éviter ce genre de situation et m'épargner cette inquiétude qui se situe dans la zone floue de la rationalité. Quoiqu'il en soit je suis là, je devrai à nouveau affronter difficulté et inquiétude demain, en en profitant autant que possible également, et je projète que je serai fier de moi une fois revenu dans une zone de confort.

Je m'endors tôt, en musique, je passe une bonne nuit et me réveille avec le soleil, comme cela arrive parfois : avec les écouteurs toujours dans les oreilles, me disant que j'ai plongé dans le sommeil sans m'en rendre compte. Je mange quelques amendes et quelques pruneaux, bois deux gorgées d'eau, plis bagage et sors de mon igloo. Voilà qui est splendide : le soleil réchauffe et rayonne dans un grand ciel bleu, sans vent, sans brume, la vue dégagée. Je suis seul en plein milieu des montagnes enneigées, témoin d'un nouveau spectacle adressé à personne mais dont je suis l'heureux spectateur. Je pars ainsi de bonne heure pour cette nouvelle journée, heureux et enthousiaste ! Bien sûr je marche toujours sans raquettes dans une neige qui m'arrive entre les mollets et les cuisses, en cherchant parfois mon chemin, ce qui fait que ma progression est lente et épuisante. Mais il fait beau, et ça change tout. Comme je me rationne en eau depuis la veille, je mange régulièrement la neige compacte qui fond sur les branches des sapins. Je suis aussi rationné en nourriture tant que je ne peux pas cuisiner, mais cela ne me soucis pas particulièrement. En revanche, mes pieds ne se réchauffent pas avec l'effort. En partant j'ai du enfilé mes chaussures mouillées par la neige puis congelées par la nuit à -10°C. Bien qu'il fasse 3°C et que je marche en T-shirt, mes chaussures et mes pieds continuellement dans la neige ne se réchauffent pas. La sensation commune de pieds congelés s'intensifie alors progressivement au cours de la journée, ce qui m'inquiète progressivement aussi. À 13h, j'ai marché 6km en 5h. Contrairement à d'habitude, je trouve que le temps passe lentement. J'ai trouvé une source et l'eau n'est plus un problème. M'inquiétant plus pour mes pieds, je vois deux options. Continuer jusqu'à la cabane, soit 4h de marche, pour y manger, me réchauffer les pieds, dormir et descendre en ville demain. Ou alors,  descendre en ville dès maintenant, par un itinéraire de 25 km en pistes forestières, où j'imagine avancer plus vite d'autant plus une fois sous l'altitude de la neige. Bien que plus éprouvante physiquement, je choisis cette seconde option, car si jamais il n'y a pas de poêle à la cabane, ce qui certes est peu probable, je ne pourrai pas manger jusqu'au lendemain, et là ce serait par contre vraiment inquiétant. Je mange mon dernier sachet de biscuits et c'est parti. Je traverse une grande plaine enneigée et me dirige vers cette forêt. C'est si fabuleux d'être ici, simplement ici à me ballader et me sentir dans ce paysage. Je voudrais continuer ainsi des jours, dommage que je doive écourter ce passage. Une fois en forêt, je me rends compte qu'il est aussi lent et difficile de marcher dans cette neige, même si je ne perds plus de temps à chercher mon chemin. Je donne tout ce que j'ai, et la forêt défile si lentement... Lorsque je regarde le nombre de kilomètres parcourus et restants, je suis pris d'un vertige, il ne faut pas y penser... Me voilà dans une situation où je suis amené à dépasser mes limites physiques malgré moi, au-delà de ce que j'avais imaginé, mais je sais que j'en suis capable. Plus tard ce sera un souvenir. J'en suis capable physiquement, mais mes pieds continuant de se refroidir de manière inédite m'inquiètent de plus en plus. Je ne sais pas si je cours un risque de gelure/engelure avec potentiellement des conséquences, ou pas du tout. J'oscille sur cette échelle du risque sans savoir où me situer. Il me reste 4h de marche jusqu'à un hammeau ou je m'imagine entrer dans le premier endroit pour demander une bassine d'eau tiède et quelque chose à manger. Je tape sur mes pieds avec mes bâtons pour tater ma sensibilité. J'ai perdu toute sensation dans les orteils, je sens encore le reste. Je me rappelle que la durée de vie d'un membre privé d'oxygène lors d'un garrot est de 6h. Ayant les pieds plus ou moins congelés depuis ce matin, je me dis qu'il y a peut-être un risque. Je me décide alors à appeler le 112, pour prendre un avis médical. Nous avons du mal à nous comprendre en anglais, ils décident de venir me chercher sans vraiment savoir quel est le problème, là la situation m'a un peu échappé. Bon, mince, je sais pas si c'est une bonne chose ou pas. J'oscille à présent entre rassurement et regret du tournant pris subitement par cet appel. J'attends une heure ici sur cette piste qui traverse la forêt enneigée, avec la nuit qui s'installe et la lune luminescente qui éclaire les lieux avec une opacité fluctuante, due aux nuages fins qui courent dans le ciel et filtrent une partie de la lumière lunaire. Si j'avais un réchaud, je bivouaquerais bien ici dans la neige et en pleine forêt, orientant l'ouverture de mon tarp de façon à pouvoir regarder la lune depuis mon sac de couchage. Après tous ces efforts, c'est un échec qu'on vienne finalement me chercher. J'entends le bruit du moteur puis je vois la lumière des phares, la voiture-neige arrive enfin. En plus d'être vexé, je suis surtout hyper gêné d'avoir fait déplacer des gens. Je les vois rigoler avec la musique à fond dans la voiture, bon au moins ils ont l'air de passer un bon moment ensemble. Ils et elles sont effectivement très sympathiques et décontractés. Je monte à l'avant de la voiture avec des chaufferettes dans les chaussettes, et c'est reparti. Tout le monde parle, chante, rigole, fume, en musique, c'est la bonne ambiance. Je reste toutefois ambarassé. Ils m'emmènent à l'hôpital de Konjic à 10km car c'est la procédure, même si j'ai simplement besoin d'eau tiède pour me réchauffer les pieds. Je vois alors avec frustration, à travers la vitre de la voiture, ces 10km que j'aurais aimé marcher et qui seront les seuls que je n'ai pas marché depuis mon départ de Tarifa. J'avais même marché illégalement le tunnel de secours de Vielha en Espagne, pour éviter de faire 5km de stop et interrompre la continuité de mon itinéraire pédestre et de mon tracé sur la carte. Ces 10km qui brisent le symbole de cette ligne entièrement continue sont le prix de l'imprévu, de l'inquiétude, de quelques mauvaises décisions peut-être, sans doutes.

On me garde une nuit à l'hôpital pour vérifier que mes pieds se réchauffent correctement. En sortant le lendemain matin, je marche comme un vieillard car la sensibilité n'est pas totalement revenue. J'ai vraiment l'impression de comprendre ce que ça fait d'être vieux, de peiner à traverser le centre-ville à pieds, en voyant avec nostalgie toutes ces autres personnes marcher à grandes enjambées. Il me faudra une dizaine de jours pour retrouver mon entière sensibilité des orteils, cela n'est pas rare ni inquiétant. Je reste cinq jours à Konjic pour récupérer. Je n'avais pas besoin d'autant, mais j'ai laissé passer des jours de pluie continue. Cette péripétie frustrante et vexante, aujourd'hui acceptée, m'a fait reconsidérer la suite. Comme je me l'étais dit, s'il le faut, je m'adapterai à l'hiver un peu par l'équipement, et davantage par l'itinéraire. Pendant ces cinq jours, j'achète une paire de crampons et raquettes ultra-légères, un mini-rechaud à gaz, et je change ma veste qui a un défaut de fabrication pour une veste plus hivernale. Un ami m'enverra le tout par un colis livré à Sarajevo. Pour l'itinéraire, je dois au maximum trouver un compromis pour éviter d'être trop en altitude sans non-plus marcher des jours sur la route. En survolant la carte, cela n'a pas l'air évident au Monténégro et en Albanie qui sont les prochains pays sur ma route, tous deux presque entièrement montagneux. Quoiqu'il en soit je m'adapterai aux conditions, puisqu'on ne peut pas négocier avec avec la météo. C'est à Sarajevo que je prévois de prendre le temps depuis un ordinateur de planifier la suite de mon itinéraire dans les grandes lignes, car j'ai l'embarras du choix. En tous cas, cet événement m'a permis de rencontrer des gens formidables à Konjic parmi l'équipe de secouristes.

Avec la neige déjà tombée et celle qui se rajoute pendant que je suis à Konjic, impossible pour moi de passer par le massif entre ici Sarajevo sans mon futur équipement. Dommage, l'endroit avait l'air majestueux d'après la carte. De Konjic à Sarajevo, je marche alors trois jours le long d'une route nationale, c'est rarement agréable. Pour la première fois, j'ai envie de monter dans un bus ou de prendre le train, dont je longe aussi la voie ferrée. Je n'hésite pas et marche car jusqu'à présent c'est ma règle, seulement cette fois je n'en ressens pas le sens.

La ville de Sarajevo est construite en longueur entre deux montagnes. Je traverse d'Ouest en Est les zones péri-urbaines, l'aéroport, les banlieues et leurs immenses immeubles dont les façades sont encore criblées d'impacts de balles de la guerre, puis la ville moderne, et arrive dans le petit centre-ville historique et touristique situé à l'extrémité Est de la ville, où je vais séjourner dans une auberge de jeunesse. J'arrive fatigué physiquement et mentalement

Me voilà à Sarajevo pour une pause à durée indéterminée, au moins le temps que mon colis arrive. J'ai fait ce détour pour venir jusqu'à cette grande ville, chose inédite puisque d'habitude je les évite naturellement. Sarajevo est également la seule capitale sur mon itinéraire jusqu'à présent. Spontanément, sans beaucoup de raisons, j'ai choisi de faire un détour pour venir ici à pieds. Un attrait pour cette ville historique sans doutes, une ville importante d'une région du monde et de l'Europe qui m'intéresse, au nom qui évoque étrangement un univers inconnu. M'y voilà. Je suis à un carrefour de ma traversée d'Europe. Jusqu'à présent l'itinéraire se dessinait assez naturellement dans les grandes lignes, de façon à relier et traverser les montagnes des différents pays. Depuis Sarajevo, je prévois à priori de continuer ensuite vers le Monténégro et l'Albanie, ce qui offre déjà un éventail de possibilités. La suite en Macedoine, en Bulgarie, peut-être en Grèce, est aussi à dessiner. Je pourrais également passer un peu par la Serbie et le Kosovo. L'avantage d'avoir le temps et d'être même forcé d'en prendre à Sarajevo, c'est que je ne suis pas pressé pour remplir ces impératifs, découvrir la ville, etc. Je peux me laisser porter.

Ascension dans les monts Blidinje avec vue sur le lac du même nom. Je viens d'en face.
Ascension dans les monts Blidinje avec vue sur le lac du même nom. Je viens d'en face.
Journée idéale dans les hauteurs du Blidinje
Journée idéale dans les hauteurs du Blidinje
Une décharge publique dans les montagnes à 10km avant Jablanica. Je vois le camion faire des allers-retours entre la ville et la décharge. Quand je jeterai mes quelques déchets dans une poubelle de la ville, ils reviendront donc ici. Lorsque le camion repart, les chiens errants et les corneilles viennent se disputer la nourriture du nouvel arrivage. Il y a sinon régulièrement des petites décharges improvisées partout dans la nature, au bord des cours d'eau, à la sortie des villages. Je tiens à souligner que si cela surprend, choque, ou questionne notre rapport à ce qu'on appelle "l'environnement", les pays plus riches et peut-être plus propres en apparence, ont bilan carbone par habitant bien plus élevé dont les impacts sur l'environnement, l'humain et la vie, sont bien supérieurs, avec certes une inertie, mais que l'on connait très bien.
Une décharge publique dans les montagnes à 10km avant Jablanica. Je vois le camion faire des allers-retours entre la ville et la décharge. Quand je jeterai mes quelques déchets dans une poubelle de la ville, ils reviendront donc ici. Lorsque le camion repart, les chiens errants et les corneilles viennent se disputer la nourriture du nouvel arrivage. Il y a sinon régulièrement des petites décharges improvisées partout dans la nature, au bord des cours d'eau, à la sortie des villages. Je tiens à souligner que si cela surprend, choque, ou questionne notre rapport à ce qu'on appelle "l'environnement", les pays plus riches et peut-être plus propres en apparence, ont bilan carbone par habitant bien plus élevé dont les impacts sur l'environnement, l'humain et la vie, sont bien supérieurs, avec certes une inertie, mais que l'on connait très bien.
La Neretva, un des principaux fleuves de Bosnie-Herzégovine, ici depuis les hauteurs au-dessus de Jablanica.
La Neretva, un des principaux fleuves de Bosnie-Herzégovine, ici depuis les hauteurs au-dessus de Jablanica.
Au pied des monts Prenj
Au pied des monts Prenj
Dans mon petit igloo
Dans mon petit igloo
Journée magnifique au cœur des monts Prenj. Le mètre de neige n'était pas prévu. C'est splendide, il ne manque que les raquettes.
Journée magnifique au cœur des monts Prenj. Le mètre de neige n'était pas prévu. C'est splendide, il ne manque que les raquettes.
Commentaires